Vulnérabilité face aux stratégies extraterritoriales de ses concurrents étrangers, faiblesse des outils de lutte anticorruption, manque de volonté politique… Il y a plus de cinq ans, le dispositif anticorruption français essuyait de nombreuses critiques. Les répercussions sur l’attractivité économique du pays et la confiance des citoyens étaient nombreuses. La loi Sapin II a été promulguée en 2016 pour lutter contre la corruption et la fraude fiscale. Cependant celle-ci a ses limites, notamment en matière d’extraterritorialité. Comment la proposition de loi Sapin III compte-t-elle changer la donne ?
La loi Sapin II, un catalyseur
D’abord, la loi n° 2016‑1691, dite Sapin II, est venue réformer en profondeur le cadre juridique relatif à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique. Elle préconise notamment l’obligation faite aux entités assujetties d’adopter des mécanismes internes de prévention de la corruption et a institué la création d’une autorité dédiée, l’Agence française anticorruption (AFA). La loi Sapin II a contribué au progrès réalisé dans la lutte contre la corruption en France.
Proposition de loi sapin III, une nouvelle étape
Mais en 2021, l’écart entre la législation française et les standards européens et internationaux en matière de lutte anticorruption, quoique atténué, était toujours palpable. D’ailleurs la France occupe la 21e place du classement mondial Transparency International des pays les moins corrompus, le Corruption Index 2021. Soit une dizaine de points derrière ses proches voisins, le Royaume-Uni (11e) et l’Allemagne (10e).
Le 19 octobre 2021, la proposition de loi nº 4586, donc Sapin III, a été déposée par le député Raphaël GAUVAIN. Elle s’inspire des conclusions de l’évaluation de la loi Sapin II en juin de la même année pour modifier le texte actuel. La loi Sapin III vise à prévenir la corruption dans les entreprises et au sein des administrations et à renforcer la transparence de même que les outils de détection et de répression des faits de corruption.
Quatre axes principaux et comment ils pourraient changer la donne
Parmi les mesures proposées, nous pouvons retenir ces quatre points :
- La redistribution des fonctions de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et de l’AFA
- La suppression de la condition de résidence du siège social de la société mère en France
- La redéfinition du statut des représentants d’intérêts.
- Le renforcement de la protection des lanceurs d’alerte
Comment la proposition de loi Sapin III pourrait changer la donne
1. Redistribution des fonctions de la HATVP et de l’AFA
Le texte de loi Sapin III propose de confier le conseil et le contrôle des acteurs publics à la HATVP. Cette autorité indépendante serait dotée d’une Commission des sanctions. Quant à l’AFA, elle garde le rôle de conseil et de contrôle des acteurs économiques.
Ce qui change :
Les acteurs publics, parents pauvres de la loi Sapin II, étaient en retard dans l’élaboration de leur dispositif anticorruption par rapport aux opérateurs économiques, déjà engagés dans des démarches de conformité.
La proposition de loi Sapin III vient étendre les obligations qui pèsent sur les acteurs économiques aux acteurs publics, leur permettant de rattraper leur retard en matière de conformité et de lutte anticorruption.
2. La condition de résidence du siège social de la société mère en France supprimée
C’est l’un des points saillants de la proposition de loi Sapin III. Jusqu’ici seules les entreprises immatriculées en France étaient assujetties aux obligations de déployer des programmes de prévention et de détection de corruption sous l’article 17 de la loi Sapin II.
Le projet de loi propose d’étendre l’application de l’article 17 aux petites filiales de grands groupes étrangers dont la société mère se trouve en France. Celles-ci devront déployer un programme interne de conformité anticorruption. Cette condition s’appliquera dès lors que la société mère dépasse le seuil prévu par la loi, soit plus de 500 salariés et un chiffre d’affaires consolidé de plus de 100 millions d’euros.
Ce qui change :
La suppression de la localisation en France du siège social de la société mère permettrait une égalité de traitement entre les petites filiales d’entreprises étrangères se trouvant sur le sol français et les entreprises françaises. Ainsi ce texte, s’il est adopté, amènera davantage d’entreprises à se plier aux lois anticorruption.
3. La redéfinition du statut des représentants d’intérêts
La loi Sapin III propose une clarification de la définition du représentant d’intérêt comme reposant sur l’activité de la personne morale et non celle des personnes physiques qui la compose, comme préconisée par la loi Sapin II.
La proposition de loi Sapin III prévoit aussi la création d’un registre des représentants d’intérêts qui serait mis à la disposition de la HATVP et un renforcement des obligations auxquelles les représentants sont soumis.
Ce qui change :
Cette mesure permettra une amélioration de la transparence des décisions publiques.
Les représentants d’intérêt qui ne se soumettent pas à ces obligations devraient écoper de sanctions administratives allant de la mise en demeure à la comparution devant la commission des sanctions de la HATVP.
4. Renforcement du cadre de protection des lanceurs d’alerte.
La proposition vient, en complémentarité avec la loi n° 2022-401 entrée en vigueur en mars 2022, renforcer davantage la protection des lanceurs d’alertes.
Les lanceurs d’alerte sont définis comme “toute personne physique ayant eu personnellement connaissance des faits qu’elle signale”. La proposition de loi Sapin III inclut pour le secteur public les personnes ayant participé à favoriser le signalement de cas de corruption.
La proposition de loi Sapin III préconise la protection générale des lanceurs d’alerte contre toute mesure discriminatoire, notamment en cas de licenciement. La confidentialité de leur identité et des informations transmises doivent être garanties.
Ce qui change
Actuellement des difficultés persistent quant à la qualité du traitement des alertes de cas de corruption et autres atteintes à la probité ainsi que la protection des dénonciateurs.
La proposition de loi Sapin III vise à encourager la dénonciation alors que toute entrave à l’exercice du droit d’alerte serait réprimée par une peine d’emprisonnement et/ou une amende.
Autre point important : les entreprises devront actualiser leurs dispositifs internes de mise en conformité pour protéger les lanceurs d’alerte.
Conclusion
La proposition de loi Sapin III devrait permettre d’améliorer la transparence des décisions publiques, d’assainir l’écosystème français privé et public en garantissant la protection des lanceurs d’alerte, d’élargir le champ d’entreprises assujetties aux législations et amener le secteur public à actualiser ses mécanismes internes de conformité.
Ainsi cette proposition ne vient pas remettre en cause les dispositifs de conformité de la loi Sapin II. Elle vient plutôt leur permettre de perdurer et, de cette façon, de renforcer la lutte anticorruption face aux enjeux actuels.
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Sources